Bibliographies, histoire et historiographie

Mathématiciens et historiens ont l'habitude de recourir à des bibliographies et connaissent leur intérêt et le travail qu'elles présupposent. Elles offrent une sélection de publications, choisies parmi un ensemble de références très vaste et dispercées dans de nombreuses revues plus ou moins faciles d'accès, et disponibles sur différents supports, et leur permettent souvent de découvrir des références qu'ils ignoraient. Elles sont un précieux point de départ pour la découverte ou plus généralement l'étude d'un domaine. On peut ainsi considérer cette  bibliographie pour la géométrie algébrique réelle réalisée par un groupe de mathématiciens et d'historiens. Elle est aussi accessible à partir d'un site qui en permet une exploitation simple.
Comme toute bibliographie, que ce soit celle d'un simple article, d'un livre entier, ou d'un recensement bibliographique systématique sur un sujet, elle est une synthèse sélective d'un ensemble de bibliographies, éventuellement actualisées. Cette inclusion offre aux plus récentes la possibilité d'être plus complètes que celles qui ont servi à les établir. Si elle est en ligne, elle peut aussi donner accès aux références elles-mêmes disponibles en ligne (marquées par un astérisque*). Elle n'est alors plus un recensement de titres mais offre un véritable accès aux publications dont la lecture demeure le principal fondement d'une connaissance historique. Plus qu'une simple carte, elle devient un véritable terrain pour l'acquisition de connaissances.
Une bibliographie propose aussi une vision d'ensemble sur un sujet. Il suffit d'en considérer la répartition dans le temps pour avoir déjà quelques indications appréciables sur son histoire. Elle est ainsi l'un des instruments historiographiques de base. Mais elle l'est en un double sens.  Elle nous offre d'une part une représentation dans le temps de la discipline, et à ce titre elle est un moyen d'en représenter et d'en étudier le développement historique. Mais elle est elle-même le produit d'une représentation de la discipline, et elle peut et elle doit à ce titre être considérée comme objet d'étude. Elle le doit dans la mesure où elle est le résultat d'une sélection et qu'elle produit de ce fait en partie l'identité et l'histoire de la discipline qu'elle nous présente. Chacun sait tout le parti qu'il peut tirer de l'examen de la bibliographie d'un texte pour en connaître l'orientation dans un domaine qu'il connaît. A ce titre, toute bibliographie fait elle-même partie de l'histoire de la discipline. Une bibliographie est ainsi autant un moyen  pour faire de l'histoire qu'un élément de cette histoire ; elle offre toujours ces deux faces.

Mais si la bibliographie est un point de départ pour l'étude de la discipline, sa constitution et plus encore son analyse en présupposent une connaissance approfondie, aussi bien mathématique qu'historique. Elle se retrouve ainsi à deux extrémités opposées : elle est point de départ et d'arrivée. Cette circularité n'est pas sans conséquences : celui pour qui elle est point de départ n'aura aucun moyen d'apprécier par lui-même le point dont il part et va ainsi suivre une trajectoire dont il ignore les conditions initiales. Celui qui l'aura constituée aura aussi souvent bien des difficultés soit à les connaître lui-même soit à les faire connaître. Il serait certainement naïf d'espérer qu'il puisse en être autrement. Il est en revanche raisonnable de ne pas se satisfaire de cette ignorance et de vouloir la réduire. Pour échapper à cette circularité il suffit de disposer d'un moyen pour analyser une bibliographie sans que cela ne requiert la connaissance du contenu d'une bonne partie des références recensées et celui de celles qui ne le sont pas. Il s'agit donc d'augmenter significativement la connaissance (ou la possibilité de connaître) les conditions initiales sans avoir besoin d'une connaissance avancée préalable de la discipline et de son histoire.
 

Bibliographie avec liens

Biblios saisies - voisinage à gauche. Une manière de satisfaire cette condition est de ne pas perdre en cours d'élaboration les bibliographies dont la bibliographie se compose. Même si l'ensemble des références citées par chacune s'y retrouve souvent, la connaissance des sélections opérées antérieurement n'en est pas moins perdue. Au lieu de considérer une bibliographie comme un ensemble de références on peut la considérer pour ce qu'elle est : un ensemble d'ensembles de références. Conserver cette structure permet de conserver la signification attachée à chacun de ces sous-ensembles. Puisque la sélection opérée par une bibliographie a une signification historique, il importe de conserver celle opérée par les auteurs des publications recensées au lieu de les perdre et de les confondre dans la sélection que nous sommes en train d'effectuer : leur intérêt est bien d'avoir été effectuée et de ne pas l'avoir été par celui qui compose la nouvelle bibliographie. Cela ne l'empêche pas, par ailleurs, de faire une sélection mais sans que les références non retenues soient pour autant éliminées, ce qui, ce faisant, met ceux qui consultent cette bibliographie dans  l'impossibilité de les connaître. La signification et en particulier l'historicité des choix effectués au lieu de n'être que la face obscure de la bibliographie proposée peut ainsi venir renforcer sa valeur historique. Elle peut ainsi être exploitée au lieu de ne servir qu'à une vaine critique relativiste de la bibliographie proposée. Et inversement, disposer de cette structure permet une analyse interne de l'ensemble des références considérées et nous donne donc des connaissances sur les conditions initiales sans requérir pour autant une connaissance préalable de la discipline et de son histoire.
Ne pas tenir compte de ces liens établis que les références ont les unes avec les autres revient à ne considérer qu'un ensemble de points quand on peut disposer d'un espace muni d'une structure naturelle.
Cette conversion des effets de la sélection opérée par les auteurs d'un recensement en un bénéfice pour l'étude considérée est exploitée dans toutes les analyses historiques fondées sur un corpus qui n'est pas produit par ces auteurs eux-mêmes. C'est là un des intérêts d'étudier les publications recensées ou publiées sur une période donnée dans un journal donné ou au sein d'une institution déterminée. Mais si l'on file notre comparaison, ce type d'étude revient néanmoins à privilégier, voire à ne considérer sur des ensembles de références qu'une topologie dite "triviale", c'est-à-dire restreinte à l'ensemble tout entier et à l'ensemble vide autrement dit, à privilégier la signification du plus grand ensemble au détriment de tous ceux qu'il contient et qui sont pourtant constitués et surtout, qui l'ont été souvent indépendamment de celui-ci.

Notion de réf. citée Il importe donc de conserver ces sélections qui ont été constituées. Pour les textes que nous étudions, l'identification des références citées pose peu de problèmes ; elles sont le plus souvent systématiquement indiquées, en note en bas de page ou parfois même regroupées dans une bibliographie à la fin de l'article ou du livre. Les citations sans référence précise ne sont pas la règle et n'empêchent pas de toute façon de recenser toutes celles qui le sont. L'occurrence d'une référence en note ou dans la bibliographie est donc un critère simple et objectif qui permet de décider si une référence (ou une personne) est ou non citée. Il est ainsi possible de déterminer objectivement les références, bibliographiques ou individuelles, citées par un texte. Il est de surcroît possible d'en faire un recensement complet, et donc de n'introduire ici aucun choix qui interférerait avec ceux de l'auteur. Cette complétude devenue possible nous préserve de l'inévitable choix qui s'introduirait si l'on était obligé de n'en considérer qu'une partie. Ces principes une fois et ainsi définis, nous n'intervenons plus dans l'établissement de cette liste établie à partir d'une référence. Elle est à la fois bien définie et significative puisqu'elle est une sélection opérée par l'auteur du texte. Ce recensement est indépendant de celui qui l'effectue : sa valeur est exactement la même pour lui et pour tous ceux qui après lui voudront l'exploiter.

Toute étude est relative au corpus qui la fonde. Elle est par conséquent tributaire des choix qui servent à définir ce corpus.  Nous n'échappons évidemment pas complètement à la nécessité de choisir (ni non plus aux éventuels bénéfices associés!) : il nous faut choisir le texte ou les textes dont on déterminera la bibliographie. L'intervention inévitable de ce choix n'annule pas les acquis précédents : la distinction de celui-ci et de ceux opérés par les auteurs des textes choisis demeure ; les choix effectués par ces derniers étant indépendants des nôtres! Si ce corpus initial, et celui qui en dérive en considérant les références citées, se prêtent, comme toute bibliographie, à une analyse critique fondée sur la connaissance préalable que l'on peut avoir de la discipline et de son histoire et dont on a vu les inconvénients, ils peuvent maintenant, contrairement à celle-ci, et là est le bénéfice, faire  l'objet d'une analyse interne : une certaine analyse de ce corpus menée à partir de celui-ci devient possible. Il ne s'agit évidemment pas, car cela n'aurait aucun sens, d'espérer une analyse complète de la signification des choix effectués. Ce qui est introduit ici c'est la possibilité d'emblée d'une analyse de ces choix (et donc des résultats obtenus) qui autrement nécessite une connaissance préalable du sujet, et même en fait une connaissance souvent considérable de celui-ci. Notre propos n'est évidemment pas non plus de chercher ici un moyen pour éviter cette connaissance, mais seulement d'éviter d'y recourir quand elle n'est pas nécessaire et ce faisant de peut-être faciliter les conditions de son acquisition tout en contribuant à son analyse.
Dans la suite nous allons indiquer quelques-unes des possibilités d'analyse offertes par la prise en compte de cette structure associée à une bibliographie.


Etude de la distribution des publications en Géométrie algébrique réelle

Répartition des biblio. saisies  Au lieu de considérer comme précédemment une simple liste de publications relevant de la géométrie algébrique réelle nous allons considérer une liste de publications considérées avec leur bibliographie et leur répartition. Cette liste, pour des raisons pratiques évidentes, sur lesquelles nous reviendons, est bien sûr plus restreinte. Il serait bien sûr possible et intéressant de la commenter à partir des connaissances que chacun peut avoir du sujet et de son histoire. Nous ne nous livrerons pas ici à cette discussion pour nous concentrer sur celle prenant en compte les références citées par ces publications. Pour cela, commençons par remarquer qu'à quelques exceptions près, sa répartition est relativement uniforme pour la période qui s'étend de 1876 à 2005. Il y a deux types d'exception à cette uniformité : les années où le nombre de publications considérées est supérieur à la moyenne (environ 2) et celui ou il est nul. Considérons d'abord les années où ce nombre est nettement supérieur à la moyenne, nous reviendrons plus tard sur le second. En se reportant à la liste on peut vérifier que les 23 références pour l'année 1982 et les six de l'année 1991 appartiennent à un même recueil (respectivement Colliot-Thélène, J.-L.& Coste, M. & Mahé, L. & Roy, M.-F, Géométrie Algébrique Réelle et Formes quadratiques, Proc. Rennes 1981, Springer, Lecture Notes in Mathematics: 1982 et Roy, M.-F. & Sinaceur, Hourya (ed), "De la géométrie algébrique réelle", Cahiers du Séminaire d'histoire des mathématiques, pp, 1991). Ces deux exceptions n'en sont donc pas vraiment et nous avons bien une répartition relativement uniforme.
La cohérence de ce corpus peut être encore facilement précisée en regardant si les publications considérées sont  ou non citées par les autres. Il suffit pour cela de comparer la  liste précédente à celle obtenue à partir d'elle en ne considérant que les publications citées par des publications de celle-ci. On constate alors que la différence ne concerne qu'un petit nombre de références qui sont d'une part, comme on s'y attend, parmi les plus récentes, avec d'autre part les cinq du recueil de 1991. Le corpus considéré est au moins cohérent de ce point de vue.

Répartition des réfs citées par biblio. saisies L'intérêt de ce corpus est bien sûr de considérer la liste des références citées par ses publications et leur répartition. A une trentaine de références près, on obtient l'ensemble des références de la bibliographie initiale. Il y a donc, quantitativement au moins, très peu de différences entre ces deux listes. Mais leurs valeurs historiographiques sont très différentes puisque la dernière a été obtenue par  engendrement  à partir d'un corpus initial. Elle est ainsi le produit de deux facteurs qu'il importe de bien distinguer :

La discussion de la bibliographie obtenue peut maintenant porter sur un ensemble de références bien plus réduit (une centaine plutôt qu'un millier). Et surtout, il est aussi possible de faire varier le corpus initial afin de déterminer dans quelle mesure la bibliographie obtenue en dépend. La bibliographie devient ainsi une fonction d'une variable (le corpus initial) qui peut être étudiée comme telle. Nous avons pris ici comme corpus initial l'ensemble des références dont la bibliographie a été entièrement enregistrée dans la base de données, mais tous ses sous-ensembles pourraient aussi bien être considérés.


En plus de la liste des références citées par le corpus initial on peut en considérer deux autres et ainsi obtenir naturellement trois listes à partir du corpus initial  :

  1. références citées par le corpus initial  (liste - répartition) ;
  2. références du projet citées par le corpus initial  (liste - répartition) ;
  3. références internes citées par le corpus initial    (liste - répartition) ;

La première liste comprend toutes les références citées par notre corpus initial ; si une référence citait un dialogue de Platon, celui-ci apparaîtrait. Ce sont toutes les références (citées...) utilisées d'une manière ou d'une autre par les références de notre corpus initial. On obtient un nombre bien supérieur à celui du corpus initial avec des références allant cette fois de 1545 (avec l'Ars Magna de Cardano) jusqu'en 2005. D'après une remarque faite précédemment, on retrouve dans cette liste, et dans les deux autres, à peu près toutes les références du corpus initial. La seconde liste comprend les références citées pour lesquelles un mot-clef a été attribué et qui sont de ce fait considérées comme faisant partie de ce projet. Elle comprend par exemple Hartshorne, Robin, Algebraic Geometry, Springer-Verlag: 1977 qui est un des ouvrages de référence de Géométrie algébrique cités par certains textes de géométrie algébrique réelle mais il ne relève pas lui-même directement de ce domaine. Comme le mot-clef "Géométrie Algébrique" fait partie de ceux retenus, cette référence apparaît dans cette liste alors que le dialogue de Platon précédent n'y serait pas apparu. Une référence de ce type est dit externe. La dernière liste ne comprend elle que les références internes au projet (i.e. qui ne sont pas externes) et citées par les publications du corpus initial. Il est à noter que les références externes sont plutôt à considérer comme faisant partie de la frontière extérieure de notre corpus car il y a d'autres références plus externes qu'elles, comme toutes celles qu'elles citent mais qui ne le sont par aucune référence interne. En combinant ainsi des critères de liaison et d'attribution de mots-clefs on dispose d'une variété de définitions de l'intérieur, de l'extérieur et de la frontière de la discipline que l'on peut évidemment considérer concurremment.

Chacune des trois listes considérées peut être étudiée pour elle-même et il est aussi intéressant de les comparer entre elles.
Notons que leur statut est différent en raison de l'introduction de l'opposition  interne vs externe et plus généralement de la prise en compte des mots-clefs dans la définition des deux dernières. Cette opposition  est une démarcation  introduite par les auteurs de ce projet. La deuxième et la troisième liste, dont la définition fait intervenir les mots-clefs, sont donc en partie l'expression de leur conception de cette discipline. Mais une définition effective peut ici en être donnée et chacun peut par ailleurs consulter ces listes pour déterminer les références recouvertes par ces définitions et en avoir au moins ainsi une définition en extension. La première liste en est elle tout à fait indépendante (la constitution du corpus initial, commun à toutes les listes, mise à part).

Ces trois listes ont une répartition par année qui n'a plus l'uniformité de celle du corpus initial ; elles présentent des variations absentes de celui-ci. Ces variations ont donc une signification relative au corpus initial qu'il faut continuer d'étudier pour en préciser la signification.

Mais on peut déjà faire les observations suivantes :

  1. On distingue 1 bosse : 1950 - 2005 :  sommet 1982, valeur 43 (la guerre de 1939-1945 apparaît clairement)
  2. Deux segments avec une répartition uniforme (1 ou 2 références) :
    1.  1800-1860
    2. 1875- 1942

Il est maintenant possible de faire diverses analyses de ce corpus, soit de manière locale, soit de manière globale.

Analyse locale : l'année 1927

Analyse locale : l'année 1927 L'année 1927 se distingue par un nombre bien supérieur de références comparé à celui des autres années du segment dont elle fait partie. Il convient donc de l'étudier pour préciser la signification de cette valeur. On peut pour cela commencer par considérer quelles sont les références concernées. Puis considérer la liste et la répartition des références du corpus initial qui les citent (environ un quart de celles-ci) et étendre à la  liste des références (et à sa répartition) de l'ensemble du projet qui les citent. On obtient ainsi une répartition semblable, pour cet intervalle, à celle de l'ensemble des références citées par notre corpus initial. Il est aussi facile de se rendre compte que Artin, Emil & Schreier, Otto, "Algebraische Konstruktion reeller Körper", Abhandlungen Math. Sem. Univ. Hamburg, 5, pp. 85-99, 1927  et Artin, Emil, "Über die Zerlegung definiter Funktionen in Quadrate", Abhandlungen Math. Sem. Univ. Hamburg, 5, pp. 100-115, 1927 sont, quasiment à égalité, celles de ces références les plus citées et d'obtenir la répartition des références du projet qui les citent  l'une et l'autre.
On peut ainsi se convaincre que le fait que cette année et ces deux articles se distinguent n'est pas un biais introduit par une ou deux références mais qu'il a bien une signification pour l'ensemble des références considérées du corpus initial ou dérivé. Cela est confirmé par l'examen du graphe des références les plus cités (temps d'attente de quelques secondes...) par liste des références les plus cités ordonnées suivant l'ordre décroissant des citations. Ceci est bien sûr un fait bien connu de ceux qui connaissent le sujet et son histoire, mais il est ainsi établi d'une autre manière et sur d'autres  bases.
Ces analyses, et d'autres, on le voit, pourraient être appliquées pour n'importe quelle année ou n'importe quelle référence et permettre ainsi d'apprécier diverses caractéristiques locales des représentations obtenues.

Références citant - voisinage à droite Pour cette analyse nous avons considéré, outre les références citées par une ou plusieurs références, la liste des références qui citent une ou plusieurs références. Ces listes, duales des précédentes, sont, on vient de le voir, aussi utiles à l'interprétation des résultats. On peut ainsi associer à chaque référence de la bibliographie, autrement à dit à chaque point de notre espace, non seulement un mais deux ensembles : l'ensemble des références citées par la référence et l'ensemble des références la citant ; deux structures sont ainsi naturellement disponibles. [Visualiser sur une même représentation ces deux voisinages pour Artin & Schreier]
 

Analyse globale


Répartition pondérée des réfs citées  Pour analyser la signification globale de la liste et de la répartition des références citées par le corpus initial  il est intéressant d'en considérer la répartition pondérée ; c'est-à-dire la répartition obtenue en comptant chaque référence autant de fois qu'elle est citée :

Ces représentations font ressortir les phénomènes d'ensemble car comme une référence ne peut être citée qu'une seule fois par une même référence, une référence citée plusieurs fois l'est nécessairement par autant de références différentes. La comparaison de ces répartitions avec leur analogue non pondérée permet de distinguer la contribution qualitative d'une année ou d'une période de leur contribution quantitative : (nombre de citations - nombre de publications)/nombre de publications.   Toutes les références considérées étant citées au moins une fois, les représentations non pondérées avaient déjà un aspect qualitatif, et les répartitions pondérées les contiennent nécessairement : les années nulles le resteront et les années qui ne l'étaient pas ne pourront que voir leur valeur augmenter.
Ces représentations accentuent donc les représentations non pondérées ; l'accent ayant un caractère global puisqu'il indique exactement le nombre de fois qu'une référence est citée par l'ensemble des publications situées après elle.


Répartition avec seuil des réfs citées. L'analyse précédente de la signification globale de la  liste et de la répartition des références citées par le corpus initial  peut être complétée en ne retenant que les références citées un certain nombre de fois (chaque référence étant comptée ici une seule fois dans la représentation).

Répartition pondérée avec seuil des réfs citées. Ces deux analyses peuvent être combinées en ne considérant que les références citées un certain nombre de fois, chaque référence étant maintenant comptée autant de fois qu'elle est citée.

Ces diverses représentations peuvent être comparées entre elles et avec celles obtenues en remplaçant le corpus initial par l'ensemble des références du projet, par l'ensemble des références internes ou d'autres ensembles définis au moyen des divers mots-clefs introduits. Selon les listes ou les couples de listes considérés, nous obtenons ainsi des précisions sur l'une ou l'autre des deux faces historiographiques de chacune de ces listes.

Variation en fonction du temps. La signification globale de la  liste et de la répartition des références citées par le corpus initial  (ou par n'importe quel autre corpus : ensemble des références du projet, ensemble des références internes) peut être encore précisée en ne considérant que certaines publications du corpus initial choisies en fonction de leur date de publication.

Ces diverses représentations exploitent toutes le voisinage à droite des références. Il est possible d'exploiter leur voisinage à gauche en considérant la répartition des références citées par le corpus initial pondérées par le nombre de référence qu'elles citent (et non plus comme précédemment par le nombre de références qui les citent). Connaître la répartition des références qui citent le plus grand nombre de références contribue aussi à apprécier la signification de la répartition des références citées. Il est pour cela intéressant de déterminer les références qui contribuent le plus à cette représentation en considérant comme précédemment des listes et des répartitions avec des seuils. Il est aussi possible et intéressant d'ajouter des conditions sur les références citées en ne prenant en compte dans la pondération que les références citées du projet, internes, ou plus généralement ayant ou n'ayant pas certains mots-clefs.

Analyse de l'autonomie de RAAG.  On peut noter que la liste des références citées par le corpus initial et celle des références du projet citées par le corpus initial sont identiques. Ce qui veut juste dire que toutes les références citées par le corpus initial ont actuellement un mot-clef (celui-ci pouvant être "external"). Il est en revanche intéressant de noter qu'il n'y a guère de différence entre elles et la troisième, c'est-à-dire avec celle des références internes citées par le corpus initial. Cette permanence montre qu'il y a peu de références citées qui aient été jugées aujourd'hui ne plus ou ne pas relever de la géométrie algébrique réelle. Cette stabilité de la conception du sujet et des travaux qui en relèvent est certainement un trait remarquable qui se retrouverait dans peu d'autres disciplines que les mathématiques, et qui ne se retrouveraient peut-être pas dans celles-ci à toutes les époques, l'étendue de la période étant tout de même déjà assez significative. On peut aussi observer, à la suite de Dominique Tournès, qu'aucun des travaux consacrés à la résolution analogique des équations polynomiales qu'il a étudiés n'est cité, malgré la proximité des sujets. La principale différence que l'on peut observer entre ces distributions consiste en un léger tassement au début de la bosse dans les années 1950, c'est-à-dire précisément au moment où la discipline prend son essor. Elle est en l'occurrence constituée de références considérées comme externes et dont on peut donner la liste (liste des références externes citées par le corpus initial). On constate qu'elles relèvent principalement de la topologie algébrique, de la géométrie algébrique, de l'étude des formes quadratiques et de l'algèbre commutative. L'essor de la géométrie algébrique réelle apparaît ainsi s'accompagner d'un recours à des références extérieures mais néanmoins contemporaines à celui-ci (elles auraient pu être plus anciennes, comme le sont un certain nombre de références internes). Si l'on considère leur répartition on observe qu'elle est différente de celle des références internes citées par le même corpus, avec une bosse décalée vers la gauche, qui commence bien dans les années 1950 et a son sommet vers 1970, au lieu de 1980 pour les références internes. Ceci est confirmé par la liste et la répartition des références externes citées par toutes les références internes (et non seulement par le corpus initial). La liste et la répartition des références externes citées par les références internes fait apparaître plus nettement une deuxième bosse à la fin des années 80 comprenant principalement des références d'analyse algorithmique. Une étude indépendante de l'influence de chacune des disciplines externes est bien sûr nécessaire. La décroissance à partir de 1970 des références externes citées se situe dix ans avant celle des références internes citées. Compte tenu de la nette augmentation conjointe des publications internes, ce fait indique une autonomisation de la discipline à partir des années 1970. Cette autonomisation pourrait être précisée en distinguant au sein des références externes les livres de référence et les articles de recherche. L'exploitation de cette distinction permettrait d'apprécier dans quelle mesure des développements au sein de ces disciplines postérieurs aux années 1970 ont néanmoins pu avoir une incidence sur celui de la géométrie algébrique réelle ou si leur influence se fait principalement à partir d'un ensemble de notions et de théorèmes constitués à une époque déterminée et exposés dans les livres de référence. L'étude de la répartition  des références externes citées par les références internes pourrait encore être précisée en utilisant la pondération par citation et différents seuils de citation [A FAIRE]. Pour déterminer si les références externes citées sont bien essentiellement de la même période ou si les références citées sont plus récentes quand les références considérées sont aussi plus récentes on pourrait considérer successivement celles citées par des références internes publiées après différentes dates (par exemple après 1970, après 1980 et après 1990), ou entre deux dates, et observer comment varie dans le temps cette distribution [A FAIRE...]. On peut aussi considérer la liste des références externes les plus citées et ensuite la répartition des références qui citent les plus citées [A FAIRE...].
Le corpus des publications relevant de la géométrie algébrique réelle comprend des références qui remontent à La Géométrie de Descartes. Les deux références les plus citées sont les articles d'Artin & Schreier et d'Artin, tous les deux publiés en 1927. Mais c'est à partir des années 1950 que la géométrie algébrique réelle connaît un essor sans précédent et c'est à partir des années 1970 qu'elle s'autonomise. Ces observations conduisent à se demander si cet essor, plus de vingt ans après la publication de ses deux articles fondateurs, s'explique par la nécessité d'autres développements préalables effectués entre-temps. Un examen des publications consacrées à l'Algèbre réelle, à la géométrie algébrique réelle (proprement dite...) et aux formes quadratiques, notamment, durant cette période devrait apporter des éléments de réponse (dans la mesure où celle-ci relève de l'analyse proposée).


Conclusion

Sémiotique. Ces analyses reviennent en définitive à considérer l'ensemble des références citées comme un élément de la signification d'une publication. Cette acception de la signification d'un texte est évidemment extrêmement pauvre comparée à celles que l'on peut atteindre par la lecture et plus encore par une lecture acompagnée de celle d'autres textes (mathématiques, historiques, etc.).  Soulignons d'abord qu'elles ne sont pas exclusives : considérer les unes n'empêche pas de considérer les autres! Au contraire, l'accès aux publications en ligne favorise la lecture des textes et leur analyse. De plus, distinguer différentes acceptions de la notion de signification est aussi appréciable... Pour restreinte qu'elle soit, celle-ci n'en est pas pour autant vide. Elle est à plusieurs égards bien définie, ce qui est aussi très appréciable, et a, en particulier, un contenu historique. Et enfin, nous avons montré qu'elle était susceptible d'une vaste exploitation informatique. Nous avons vu qu'elle permettait notamment de mener une analyse rigoureuse d'aspects aussi importants que l'autonomie et l'autonomisation d'une discipline.

Analyse globale de RAAG. Le corpus de la géométrie algébrique réelle commence ici avec La Géométrie de Descartes, il comprend ensuite quelques références de la première moitié du 19e siècle, puis à partir de la fin des années 1870 puis un nombre nettement croissant à partir des années 1950. Cette croissance s'accompagne d'un recours à des publications contemporaines mais externes de topologie algébrique, de géométrie algébrique, sur les formes quadratiques et l'algèbre commutative. Mais le développement de la géométrie algébrique réelle se poursuit ensuite de manière autonome dans la mesure où le nombre des références externes citées postérieures aux années 1970 est nettement décroissant quand celui de celle du domaine est nettement croissant. A partir de la fin des années 1980, de nouvelles références externes interviennent qui relèvent cette fois de l'analyse algorithmique.

Dialectique mathématiques-histoire-informatique.  maths-hist.->info. La constitution d'une bibliographie confronte ses auteurs à la définition de la discipline considérée par le choix des références et la constitution de la liste des mots-clefs notamment. La géométrie algébrique réelle, comme beaucoup d'autres sinon toutes les disciplines mathématiques, a à la fois une identité propre et interagit avec d'autres disciplines qui ont elles-mêmes leur identité et leurs interactions (l'algèbre réelle, la théorie des formes quadratiques, la géométrie analytique, la logique, l'algorithmique, etc.). Le choix des références et des mots-clefs engage des connaissances mathématiques et historiques (et il importerait bien sûr d'essayer de les distinguer) qu'il importe d'intégrer dans le développement des fonctionnalités informatiques.
info->histoire Mais dès lors que cette bibliographie est informatisée, sa constitution doit aussi prendre en compte l'exploitation informatique dont elle sera l'objet. Celle-ci intervient notamment dans la constitution de la liste des mots-clefs (sa structure, les expressions choisies et leur définition) (Exemple : Real Algebra, Real Algebra + Real algebraic geometry, external). Cette exploitation, nous l'avons vu, permet de véritables expérimentations et produit ainsi de nouvelles connaissances et peut conduire à réviser certaines définitions, par ajout ou modification de mots-clefs. Ni la définition de la discipline, ni les fonctionnalités informatiques développées ne sauraient être fixées a priori. Le recensement et l'exploitation ne sont pas deux temps successifs ni même seulement indépendants. Mais si les données recensées et le système informatique pour les exploiter ne sauraient être indépendants de la représentation initiale de la discipline, il importe de les développer de manière à ne pas en faire une simple expression (redondante) de celle-ci ; chacun doit pouvoir servir à l'étude et à la critique de l'autre. L'exploitation de ces données ne saurait confirmer cette représentation que dans la stricte mesure où elle en est indépendante. Il importe donc de montrer qu'il est possible qu'un tel recensement exprime autre chose que la représentation que ses auteurs ont initialement de la discipline ; c'est bien ce que permet l'exploitation des références citées. Les connaissances mathématiques et historiques interviennent dans la conception des fonctionnalités et la correction de bogues, inévitables dans un programme complexe, et notamment pour des requêtes qui peuvent devenir très longues, et inversement, le traitement informatique permet de modifier, en les précisant, en les complétant,  voire en les corrigeant, certaines représentations que les auteurs peuvent avoir de l'histoire de la discipline. 

Dynamique Une telle base de données n'est pas un ensemble constitué, c'est-à-dire arrêté, de données. L'augmentation des données est une condition permanente de son exploitation. Contrairement à une bibliographie papier, des références sont ajoutées, des mots-clefs sont affectés à des références, de nouveaux liens entre références sont créés, des types leurs sont attribués, de nouvelles bibliographies complètes sont saisies. Il importe que les outils d'analyses offerts permettent aussi à tous les utilisateurs d'apprécier la valeur des résultats obtenus dans ce contexte. Une exploitation rigoureuse doit rester possible malgré ces inévitables contingences.